Bonjour à tous,
aujourd’hui brève note de lecture à propos de la première encyclique du Pape Benoît XVI, Deus Caritas Est (Dieu est amour), publiée en 2005. Suite à l’annonce de sa renonciation au pontificat suprême, je me suis un peu penché sur qui est Joseph Ratzinger. J’ai été surpris du décalage entre son image médiatique et son œuvre, et histoire de confirmer cette impression, je me suis lancé dans la lecture de sa première encyclique.
Commençons par déblayer le terrain, “une encyclique c’est quoi au juste?”
Une encyclique, c’est tout simplement une lettre circulaire, adressée par l’évêque de Rome aux évêques du monde, et à toute personne passant par là. Une encyclique est un moyen pour le Pape, qui est le premier évêque, de donner des indications (d’ordre assez général) à ses collègues, sur un point de dogme, sur un sujet plus ou moins d’actualité, ou sur toute autre chose lui passant par l’esprit.
Par contre ce n’est pas une extension du dogme, et cela n’engage pas l’infaillibilité pontificale. (On fantasme beaucoup sur cette infaillibilité je trouve. Pour mémoire la dernière fois qu’un Pape a parlé ex cathedra, c’était Pie XII en 1950. Donc pas tous les 4 matins non plus.)
Je voudrais mentionner deux idées de cette encyclique. Je ne prétends pas à l’exhaustivité, ni même à la vérité d’ailleurs. Ce sont des idées que je trouve marquantes, et mon but secret et ultime est peut-être de susciter ta curiosité à toi, lecteur. C’est un livre d’environ 70 pages, qui se laisse lire facilement et que j’ai même trouvé très clair.
Comme son titre l’indique (venant de la première lettre de Jean 4,16), il est question de l’amour. Amour qui joue un rôle central dans le christianisme, n’oublions pas les deux commandements “supplémentaires” ajoutés par le Christ au décalogue.
Qui a empoisonné Eros?
Le premier point est que contrairement à ce que Nietzsche a dit, ainsi qu’un certain nombre de ses disciples, l’Eglise n’a pas empoisonné Eros.
Point de vocabulaire, par “amour” que désigne-t-on? En effet il ne faut pas prendre les mots pour des idées, et le mot amour, love, Liebe, est remarquablement imprécis. Dans la tradition grecque, on dénote trois aspects : eros, l’amour charnel et passionnel ; philiae, l’amour familial ou amical ; et agapè, souvent traduit par charité, qui est une forme d’amour gratuit et sublime. (Pour faire court bien sûr, mais si vous vous lancez dans la lecture, Benoît XVI redéfinit ces termes.)
Benoît XVI affirme au contraire que :
il existe une certaine relation entre l’amour et le Divin : l’amour promet l’infini, l’éternité – une réalité plus grande et totalement autre que le quotidien de notre existence.
Et d’ajouter :
Si l’homme aspire à être seulement esprit et qu’il veut refuser la chair comme étant un héritage simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité. Et si, d’autre part, il renie l’esprit et considère donc la matière, le corps, comme la réalité exclusive; il perd alors sa grandeur.
La mise en garde du christianisme est qu’un eros non “purifié” mène à une réification du partenaire, qui devient un objet du plaisir, et non plus une fin en soi. (Et oui, même le Pape peut invoquer à demi-mot la morale kantienne…). Mais qu’on ne dise pas que l’Eglise est mal à l’aise avec la chair. A ma connaissance, mais qu’on me montre que j’ai tort, il me semble que seul le christianisme promet la résurrection certes des âmes, mais aussi des corps. Et pas n’importe quel corps d’ailleurs, la résurrection est faite avec le “corps glorieux” (cf. Lettre de Paul aux Philippiens 3,21). En d’autres termes nous aurons alors tous 27 ans et serons beaux et bons, sauf George Clooney qui sera dans la cinquantaine pour garder ses cheveux poivre-et-sel.
Charité, ou justice sociale?
Le deuxième et dernier point que je veux souligner se trouve dans la deuxième partie de l’encyclique. Le Pape y aborde les conséquences de l’amour dans la société, la charité, et le rôle de l’Eglise. Il y adresse notamment les critiques marxistes de la charité (se donner bonne conscience, retarder la révolution prolétaire, touSSa). Je cite à nouveau. La citation va être longue, mais le texte est beau et limpide, je ne veux pas paraphraser :
Il n’y a aucun ordre juste de l’Etat qui puisse rendre superflu le service de l’amour. Celui qui veut s’affranchir de l’amour se prépare à s’affranchir de l’homme en tant qu’homme. Il y aura toujours de la souffrance, qui réclame consolation et aide. Il y aura toujours de la solitude. De même, il y aura toulours des situations de nécessité matérielle, pour lesquelles une aide est indispensable, dans le sens d’un amour concret pour le prochain. L’Etat qui veut pourvoir à tout, qui absorbe tout en lui, devient en définitive une instance bureaucratique qui ne peut assurer l’essentiel dont l’homme souffrant – tout homme – a besoin : le dévouement personnel plein d’amour. Nous n’avons pas besoin d’un Etat qui régente et domine tout, mais au contraire d’un Etat qui reconnaisse généreusement et qui soutienne, dans la ligne du principe de subsidiarité, les initiatives qui naissent des différentes forces sociales et qui associent spontanéité et proximité avec les hommes ayant besoin d’aide.
(Sache cher lecteur que ne pas souligner les implications politiques de ce passage nécessite 100% de mon self control… je n’ai fait que mettre en gras)
Ce passage est extrait du paragraphe 28 de l’encyclique, j’en conseille la lecture à toute personne impliquée dans la vie publique. On peut ne pas être d’accord, mais au moins on comprendra ce à quoi on s’oppose.
Voulant garder ce post court, je vais m’arrêter là. Il s’agit d’un ouvrage accessible. Il est relativement court (~70 pages), et facile à lire. Certes si on est familier avec certaines concepts philosophiques, tels que les formes d’amours citées plus haut, ou l’histoire de la pensée occidentale (cosmogonie // judaïsme -> christianisme -> humanisme -> déconstruction -> matérialismes & co ) on pourra certainement aller plus vite, mais Benoît XVI réexplique au fur et à mesure les concept clés pour comprendre son message. Pour conclure j’en conseille la lecture à toute personne intéressée par le christianisme en général, par une étude de l’amour, et par la politique.